VERNACULAIRE
Définitions « courantes »
– Langue vernaculaire ou vernaculaire, langue parlée seulement à l’intérieur d’une communauté, parfois restreinte, rustique, fait maison, traditionnel (par opposition à langue véhiculaire).
– Nom vernaculaire, nom usuel d’une espèce animale ou végétale dans son pays d’origine.
Introduction au paysage vernaculaire
La notion de paysage vernaculaire
Pour comprendre la notion de paysage vernaculaire il ne faut pas seulement voir l’être humain comme un être doté du langage, de la pensée, et de la possibilité d’agir librement (la capacité politique). Il est aussi un habitant du monde, de la terre et de la nature. Il possède un sol, et fait partie d’un milieu, avec lequel il entretient constamment des relations. Le paysage vernaculaire peut être alors défini comme l’espace d’interaction et d’échanges entre l’établissement humain et le milieu naturel. L’homme agit sur la nature de manière consciente, selon son système économique, sa structure sociale et ses moyens techniques. Le paysage vernaculaire possède une capacité temporelle en s’adaptant, à longueur de temps, à toutes les circonstances.
Définition de l’architecture vernaculaire
Le territoire constitue alors en quelque sorte un environnement construit par l’homme et un paysage. Il est l’expression de l’histoire d’un peuple, de différents modes de vies. L’architecture vernaculaire résulte de cette adaptation au territoire. C’est la trace d’une action collective qui a exercé ses savoir-faire en fonction des contraintes d’un lieu. Un habitat vernaculaire est un habitat traditionnel de campagne, de ville, fait par un artisan, avec des matériaux du cru. L’architecture vernaculaire fait donc référence, depuis les années 1980, à une architecture conçue en harmonie avec son environnement, en rapport avec l’aire géographique qui lui est propre, son terroir et ses habitants.
Historique de l’architecture vernaculaire
Ce concept architectural a été découvert et étudié en premier lieu par les architectes / historiens de l’architecture avec un accent mis sur les techniques de constructions et non sur l’aspect de terroir et de communauté locale. Ensuite, un travail important a été réalisé par les historiens, archéologues et géographes pour aboutir à une définition plus vaste et plus précise. Cela nous a permis de découvrir que l’architecture vernaculaire à sa propre histoire, indépendamment de celle de l’architecture officielle. Il est question également d’une longue et complexe évolution, au fil du temps.
Comment se caractérise le paysage vernaculaire ? Quelle est son évolution ?
Un espace dominé par l’incertitude
« Ses espaces sont généralement modestes, sujets au changement rapide dans l’usage, dans la propriété, dans les dimensions ; […] les maisons, même les villages, s’étendent, se réduisent, changent de forme et d’emplacement ; […] il y a toujours une quantité importante de « terre commune » – désert, pâturage, forêt, zones où les ressources naturelles sont exploitées de façon fragmentaire ; […] ses routes ne sont guère que des chemins et des allées, jamais entretenues, rarement permanentes »
À la découverte du paysage vernaculaire
Une conversation avec le lieu
Le génie du lieu
Habiter un lieu, c’est principalement prendre des habitudes en un endroit, c’est y vivre de manière régulière, quotidienne. Mais, il est certain que l’on change ses habitudes à un moment, parce qu’on change de travail ou que les enfants grandissent, et que l’on change de domicile. C’est la manière d’être qui importe dans l’habitation, et non la relation au lieu. Habiter, c’est moins demeurer en un lieu qu’adopter provisoirement une façon d’être. Il ne s’agit pas de prendre racine en un lieu, mais de contracter quelques habitudes, qui déterminent un mode de vie, des usages. Nous ne sommes pas liés, définitivement, au lieu.
Pour John Brinckerhoff Jackson (À la découverte du paysage vernaculaire – 1984), ce n’est pas la qualité naturelle ou historique intrinsèque, objective qui fait la valeur exceptionnelle d’un lieu. C’est un certain nombre d’événements qu’on y a vécus, et, pour ainsi dire le « bon temps » qu’on y a passé. C’est sous cette définition qu’il propose sa notion du « génie du lieu ». Ainsi, le sens d’un lieu, son identité, c’est une somme d’événements et de sensations ordinaires qui le constitue principalement, et non une qualité qui y serait mystérieusement nichée. Au bout du compte, c’est dans l’élément culturel que réside l’identité du lieu, et non dans une quelconque donnée topographique.
La place de l’architecture vernaculaire aujourd’hui
Un habitat qui se fond dans son environnement
L’architecture vernaculaire est revenue sur les devants de la scène ces dernières années, à la faveur d’une appétence pour les vertus de la consommation locale, de l’écologie et du recyclage. Une nouvelle tendance consacrée par le prestigieux Pritzker Architecture Prize (le Nobel d’architecture), décerné en 2012 au Chinois Wang Shu. Cet architecte alors peu connu, n’a jamais construit un bâtiment hors de son pays. Il ne s’appuie que sur des savoir-faire traditionnels pour imaginer un nouveau langage architectural.
Jugé passéiste par des adeptes du modernisme qui a dominé le XXe siècle, certains architectes estiment à l’inverse que ce mouvement s’inscrit pleinement dans notre époque. Pour l’architecte, urbaniste, pionnier de l’éco-responsabilité, et écrivain français, Philippe Madec, il répond parfaitement aux questions actuelles sur l’avenir de la planète en s’appuyant sur le recyclage de matériaux locaux aux vertus bioclimatiques et, pour la plupart, biosourcés (d’origine animale et végétale).
Le développement de filières de proximité
L’autre force de l’architecture vernaculaire c’est * « qu’elle induit des conséquences économiques et sociales, et se révèle donc très pragmatique »*, indique l’architecte Pierre Frey, auteur de *Pour une nouvelle architecture vernaculaire* (Actes Sud). Elle permet alors de favoriser les circuits courts et de faire travailler des artisans localement. Au Yémen, par exemple, la construction de la ville de Shibam illustre la logique vertueuse de complémentarité entre les espaces et les activités qui les structurent. La terre déposée par l’irrigation des champs aux alentours de la ville est utilisée pour entretenir et rénover d’anciennes constructions. Depuis 2000, les artisans achètent cette terre aux agriculteurs locaux, créant ainsi un cycle économique vertueux par la mise en place d’une filière courte et écologique.
Valorisation de l’identité territoriale
Cette conception d’architecture vernaculaire permet à une collectivité de se définir par rapport à son espace, à ses traditions et à son passé. L’architecture vernaculaire constitue donc un élément identitaire important du territoire, c’est un patrimoine. Notamment présent dans les pays du sud, ce type d’architecture s’est fait une place au sein des architectes africains. » J’ai appris cela à l’école et je l’intègre dans beaucoup de mes projets, car je pense qu’il est grand temps que les architectes africains prennent des mesures idoines pour que la construction de nos espaces ne soit pas calquée sur les villes occidentales » , explique Rolande Konou Akpedze, jeune architecte Togolaise du « parc FAO ». Elle a été formée à l’EAMAU (Ecole africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme), une école fondée en 1976 et qui a déjà formé plus de 1 000 professionnels aux problématiques du bâtiment durable et de l’architecture vernaculaire.
Dans un quartier de Lomé (capitale du Togo) l’aménagement diffère du reste de la ville. On y voit de grands immeubles, d’importants ronds-points et des vitres teintées sur toutes les façades. Au beau milieu de ce quartier administratif, un espace de 3 000m2 semble sorti d’ailleurs. Il n’y a rien ici, hormis les derniers arbres du quartier à ne pas avoir été taillés et un début de bâtiment rougeâtre. « Ça, c’est une construction en briques de terre comprimées stabilisées. La terre utilisée vient d’ici», indique Rolande Konou Akpedze. Les clôtures sont en bambou de la région des Plateaux, les pierres taillées de l’arcade d’entrée viennent de Kpalimé, à 120 km. Elle ajoute : « On a décidé de transformer ce parc délabré en espace vert agréable et, surtout, fait avec des matériaux locaux ».
*Propos recueillis par Morgane Le Cam (contributrice Le Monde Afrique, Lomé) LE MONDE Le 10.08.2017 à 18h00 • Mis à jour le 23.08.2017 à 18h13
Conclusion
L’architecture vernaculaire s’adapte, à longueur de temps, aux contraintes sociales et environnementales dont font preuve les sociétés, elle est en perpétuel renouvellement. Plusieurs aspects techniques se sont améliorés au fil des siècles à l’aide de la compréhension fine des territoires et des besoins humains. C’est grâce à un cheminement de pensée que la mise au point et le transfert de ces savoir-faire s’est effectuée. C’est cette réflexion qu’il faut retrouver et non les techniques elles-mêmes. Les enseignements apportés par ces méthodes de construction vernaculaire méritent d’être étudiés, sélectionnés et réintégrés dans les projets d’aujourd’hui, mais pas à l’identique.
L’architecture vernaculaire s’inscrit dans des démarches d’urbanisme durable et de valorisation du patrimoine local. Elle présente de nombreux avantages à la fois environnementaux, sociaux et économiques. Il est donc question aujourd’hui d’un regain d’intérêt pour ces espaces de la part de nombreux acteurs (collectivités, institutions publiques, entreprises, etc.).
- Bâti vernaculaire et développement urbain durable – Rapport réalisé par Nomadéis (Etudes et conseil en environnement et développement durable) – 2012
- Le paysage, entre le politique et le vernaculaire. Réflexions à partir de John Brinckerhoff Jackson – Jean-Marc Besse
- Espaces ruraux et architecture vernaculaire : un patrimoine européen ? – Silvio Guindani
- L’architecture vernaculaire, quand l’habitat se fond dans son environnement – Marie Godfrain – Le Monde
- A l’école d’architecture de Lomé, défense de copier les villes occidentales – Morgane Le Cam – Le Monde
- Etudier le rôle de l’architecture vernaculaire pour un développement urbain durable – Nomadéis
- Charte du patrimoine bâti vernaculaire – Lechat JN