LA VILLE SPORTIVE
Avec les années 1970, le sport est sorti des lieux dans lesquels la performance physique était confinée. C’est un changement d’objectifs de la part des acteurs qui recherchent le plaisir plus que la performance. Cet aspect de plaisir nous dirige vers des pratiques sportives plus ludiques et conviviales et cela touche un public plus large. Ces nouvelles pratiques ont eu pour effets induits une « sportivisation » de la société et une diversification des lieux de pratique avec, en particulier, des espaces que le sport s’est approprié (rues, places, parkings, etc.). Aujourd’hui, l’enjeu pour les villes est de redynamiser leur politique sportive afin de continuer à se développer et de permettre à ses habitants de s’épanouir.
Pour le mot sport nous retiendrons la définition de la Charte Européenne du sport (1992) : « toutes formes d’activité physique qui, à travers une participation organisée ou non, ont pour objectif l’expression ou l’amélioration de la condition physique et psychique, le développement des relations sociales ou l’obtention de résultats en compétitions de tous niveaux ».
Il faut également concevoir la « ville » sous ses deux représentations. Tout d’abord sous une forme urbaine, un espace de vie qui joue un rôle prépondérant dans l’activité et le quotidien des citoyens. Puis comme une autorité locale qui peut mener une politique sportive, en favorisant des formes urbaines favorables à l’activité physique, des actions locales en faveur de la promotion, une politique d’équipements sportifs ou de valorisation des modes actifs de déplacement.
Enjeu de santé
De longues journées au bureau et un mode de vie sédentaire représentent de grands défis pour la santé des citadins modernes. Cette sédentarité est devenue au fil du temps une cause croissante de décès. À ce titre, les espaces publics constituent à l’heure actuelle l’un des principaux atouts dont disposent les villes pour répondre à ces enjeux de santé publique. En effet, accessibles jour et nuit, gratuitement, ils ont une incidence directe sur la vie quotidienne de tous leurs citoyens.
Inclusion sociale
(Chiffres 2018 de l’Institut de Recherche du Bien-être, de la Médecine et du Sport Santé)
Favoriser les déplacements
À l’heure où l’activité physique peut même être prescrite sur ordonnance, il y a une vraie nécessité à promouvoir son développement. Il s’agit alors de favoriser le déplacement, la mobilité douce en encourageant et en facilitant les déplacements mais aussi de promouvoir les activités physiques et sportives pour tous et toutes, à tous les âges de la vie. Or, dans l’espace public, il n’est pas nécessaire de s’inscrire au préalable dans un club, de réserver un espace ou de payer un droit d’entrée. Le sport dans l’espace public peut être pratiqué n’importe où, n’importe quand, par n’importe qui, spontanément ou non, dans les limites du respect de l’ordre public et du bon voisinage.
La ville comme terrain d’entraînement
Une activité en plein boom
Aujourd’hui la pratique sportive est plébiscitée, c’est le loisir préféré d’un français sur quatre. Dans le premier Baromètre national des pratiques sportives, rendu public en janvier 2019 : un Français sur deux (52 %) s’adonne à son activité physique favorite au moins une fois par semaine. « La majorité est quant à elle engagée dans une pratique sportive amatrice régulière et autonome », relèvent les auteurs. Cette tendance actuelle prévoit une hausse des pratiques sportives de 10% chez les habitants de l’Hexagone d’ici le coup d’envoi des JO 2024 à Paris. De plus, aujourd’hui, les Français sont friands de sports qui peuvent se pratiquer sans encadrement (natation, vélo, course…).
Des motivations nouvelles
Des pratiques inédites
La voie publique se transforme alors en espace de pratique sportive. L’essor du parkour, dont les adeptes prennent plaisir à détourner le mobilier urbain pour parcourir la ville est le symbole le plus caractéristique de cette reconquête de la rue par le sport. Offrir aux habitants ces nouvelles formes de mobiliers, c’est surtout réanimer les lieux en offrant la possibilité de nouvelles pratiques. Le sport dépasse le cadre qui lui est donné et envahit d’autres terrains, notamment la ville. Si dans les années 1980-1990, le roller a été la première discipline à investir le cœur des villes, ce sont, aujourd’hui, de nouvelles activités sportives d’appropriation de l’espace (Parkour, skate, street workout…) qui façonnent des espaces publics où se côtoient végétalisation, aménagements urbains et équipements sportifs divers et répartis. Cette multiplication rapide et significative du nombre et des types d’activités est un phénomène relativement nouveau, qui permet pratiquement d’exercer une nouvelle activité chaque jour et de redécouvrir son environnement constamment.
La ville doit se réinventer
Un manque d’infrastructures adaptées
note d’analyse, parue début mai 2018. Ainsi, avance la note, « en ville, les espaces publics sont aujourd’hui des lieux de pratiques privilégiés pour les usagers. Les rues, les places, les parcs, les squares, les quais, les esplanades sont particulièrement révélateurs des recompositions des pratiques sportives » . Le nombre d’équipements, qu’ils soient détournés ou installés, en ville est compliqué à évaluer. La pratique sportive en ville étant « évolutive » , pointe la note, « il est aujourd’hui très difficile de quantifier le nombre de pratiquants » . Face à des pratiques parfois méconnues (parkour, street workout…) et par définition peu encadrées, « l’aménagement des espaces publics et la mixité des usages, notamment à des fins sportives, sont aujourd’hui des enjeux majeurs pour les municipalités » , estime la note.
Le sport pour valoriser un territoire
En installant des fonctions bénéfiques pour la vie collective et pour la santé de chacun, ces aménagements offrent une attractivité supplémentaire à nos villes ainsi qu’à nos espaces publics. À l’image des « ploggeurs » qui ramassent les déchets présents sur le trajet de leur footing, les sports de rue se mettent en spectacle et contribuent activement à la dynamisation des espaces publics. On peut également penser au tourisme urbain et ses nouvelles tendances qui se développent à l’image des raids urbains : une découverte de la ville agrémentée d’épreuves sportives, culturelles, pratiques et extrêmes.
L’adaptation change de côté
Embellir les espaces publics
Si l’espace public était autrefois un lieu de déplacements, de commerce, de discussions, il a évolué en un lieu de pratiques sportives, événementielles ou encore culturelles. Ce sont aujourd’hui des lieux hybrides amenés à évoluer au fil du temps. Cette multifonctionnalité incite les citoyens à exercer une activité physique et produit de l’animation sur l’espace public.
Conclusion
Il suffit de mettre un pied dehors pour s’en rendre compte : depuis quelques années, le sport a colonisé la rue. Des joggeurs aux skateurs en passant par les adeptes de la marche nordique et du parkour, les citadins ont fait de la pratique sportive leur loisir de plein air favori. Fini le temps où il fallait forcément aller au stade ou s’enfermer dans des salles moites pour suer. Au XXIe siècle, le sport s’est échappé des enceintes qui lui ont longtemps été dédiées et qui avaient tendance à le sanctuariser, pour devenir un phénomène proprement urbain. Une dimension que les designers et les architectes ont désormais bien intégrée. Le sport doit alors être vu comme un laboratoire afin de dépasser la première vocation du mobilier urbain, à savoir pratique, utile et sécuritaire.
Bonus
- L’entrainement urbain
Né depuis peu de temps dans nos villes, les adeptes de l’entrainement urbain utilisent la ville et son mobilier pour s’entraîner et rester en forme. Bancs publics, potelets, escaliers, trottoirs, arceaux, bornes et barres à vélo, mais aussi sols souples des aires de jeux… Échauffement, gainage, traction, sauts, stretching, etc. Gratuit et à l’air libre, l’espace urbain est investi pour travailler l’endurance et le renforcement musculaire.
- Le Skate-board
Le skateboard est un sport désormais très visible dans l’espace public ; ses aficionados s’y adonnent généralement dans des lieux de passage importants, voire dans des skatesparks aménagés par les communes. À travers des attitudes vestimentaires, des codes linguistiques différents, et également la prise de risque et la performance, la pratique du skateboard facilite également une forme de socialisation plus globale, par l’apprentissage de l’espace urbain et de ses codes.
- Le street-roller
Les adeptes de cette discipline (officiellement interdite) plus artistique que sportive revendiquent une véritable philosophie de vie. De rampes en escaliers, de bancs en trottoirs, ces bolides à roulettes investissent les lieux les plus insolites pour « rider ».
- Le BMX en ville
Le BMX freestyle en ville consiste à réaliser des figures sur des supports comme les rampes, les escaliers, des bancs. Cette activité comprend différentes catégories comme le flat, le street et le park. Moins populaire, ce sport acrobatique et spectaculaire se pratique aussi en skatepark.
- L’escalade urbaine ou (ou urban climbing)
L’escalade urbaine vise à courir les rues à la recherche de « spots » comme des façades des bâtiments et autres structures urbaines. Si l’escalade urbaine suppose l’ascension (illégale) de bâtiments publics, elle suppose surtout le « solo », c’est-à-dire l’escalade sans assurance. Dans cette discipline, Alain Robert est célèbre pour avoir escaladé plusieurs gratte-ciels. Il commença à faire parler de lui en 1994 et a grimpé plusieurs hauts buildings du monde.
- Le parkour
Cette discipline extrêmement physique consiste à transformer des éléments du milieu urbain en obstacles à franchir. Le but est de se déplacer d’un point à un autre de la manière la plus naturelle, fluide et efficace possible. Différentes techniques sont utilisées : course, sauts, escalade, déplacement en équilibre, mouvement quadrupède, etc.
- Le golf urbain ou street golf
Cette pratique dérivée du golf consiste à envoyer la balle vers un trou ou toute autre cible spécifiée comme telle. Elle s’approprie les rues, les chantiers, les voies ferrées… Aujourd’hui très populaire, le golf urbain s’exerce dans monde entier, avec des formats de jeu différents.
- Les échasses urbaines
Sport extrême qui se pratique grâce à des instruments à ressort mécanique ou pneumatique. L’utilisateur rebondit et peut réaliser des figures et autres acrobaties allant jusqu’à des sauts de trois mètres de long, deux mètres de haut et qui lui permettent de courir à plus de 40 km/h…
- Le base jump
Cette variante plus qu’extrême du parachutisme qui consiste à sauter depuis des objets fixes comme des immeubles, des ponts, etc. dont la hauteur varie entre 50 mètres à plus de 1500 mètres. Combinant de nombreuses autres disciplines (chute libre, parapente, alpinisme, précision d’atterrissage, voltige, etc.), il existe dans le monde entre 8 000 et 10 000 pratiquants réguliers, et environ 200 en France.
- Le bâton sauteur
Inventé dans les années 1910 par George Hansburg, le bâton sauteur devient un véritable phénomène de mode dans l’entre-deux-guerres. Depuis sa création, les records aussi nombreux qu’inutiles ont rempli les pages du Guinness Book comme celui de la plus grande distance parcourue — en 1997, Ashrita Furman a sauté pendant 12 h 21 sur 37,18 km — ou du nombre de sauts — Gary Stewart a rebondi 177 737 fois en 20 h 20. Aujourd’hui, la discipline connait une nouvelle jeunesse grâce à une utilisation plus extrême, proche du skate.
- La rue chausse les baskets – Traits Urbains n°102
- La ville revisitée par les sportifs… ? – Christian Dorvillé et Claude Sobry
- Le sport : loisir préféré des français – Étude NexityLab / Maddyness